Démocratie grecque

Beau résumé d'un cours de Castoriadis sur la démocatie dans libération

avec 2 leçons :
- les idiots, étymologiquement ceux qui s'occupent de leurs affaires (uniquement)
- l'obligation de participer

Athènes sans isoloir
Politique. Cornelius Castoriadis aux origines de la démocratie.
ÉRIC AESCHIMANN
QUOTIDIEN : jeudi 19 juin 2008
Cornelius Castoriadis La Cité et les Lois. Ce qui fait la Grèce, 2 Séminaires 1983-1984 Le Seuil, 305 pp., 22 euros.

Les neutres, les abstentionnistes, les sans-opinion, les ni-droite-ni-gauche… tous des idiots ! Telle fut la remarque adventice de Cornelius Castoriadis, tenant séminaire un beau jour de 1983. Revisitant pour ses étudiants les fondements de la démocratie athénienne, il s’était arrêté sur la notion de parrhèsia. La parrhèsia, c’est «l’obligation de dire franchement ce que l’on pense à propos des affaires publiques» (1). Au temps de Solon, un citoyen qui refusait de se prononcer pouvait se voir retirer ses droits civiques et, plus tard, Périclès affirma qu’«un homme ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile». C’est alors que Castoriadis remarqua que le mot «idiot» vient d’«idiôtès - l’imbécile qui ne s’occupe que de ses propres affaires…» Vingt-cinq ans plus tard, les idiots se portent bien, et il n’est pas inutile qu’une voix les remette à leur place.

Minutes.Né en Grèce en 1922, économiste, philosophe, psychanalyste, fondateur et animateur de la revue Socialisme et Démocratie, figure de proue de la pensée antitotalitaire, théoricien de «l’institution imaginaire de la société», Cornelius Castoriadis n’a cessé de travailler la question démocratique. Depuis sa disparition, en 1997, le Seuil a entrepris de publier les minutes du séminaire qu’il tenait à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Telle qu’elle est transcrite, tout imprégnée d’oralité, sa pensée ressemble étonnamment aux sonorités si singulières de son patronyme : brillante, éclectique, inclassable, séduisante. Et si, dans ce volume, il se montre d’abord soucieux de saisir la démocratie athénienne dans sa spécificité, il ne cesse d’établir des points de raccordements ou de désaccordements avec l’époque contemporaine et ses penseurs, Rousseau, Benjamin Constant ou Hannah Arendt, donnant à sa démonstration une étonnante actualité.

Apparue avec les réformes de Solon et de Clisthène, la démocratie athénienne a duré deux petits siècles : les Ve et IVe siècles avant J.-C. Ce qui s’est passé alors fut décisif «pour l’histoire grecque, mais aussi pour l’histoire européenne et pour celle de l’humanité», car, pour la première fois, la loi héritée des ancêtres non seulement est contestée, mais surtout cette mise en cause prend la forme d’une discussion de tous, «de façon explicite, en fonction d’une activité politique publique, dans et par le logos, la discussion, le conflit des opinions, et pas simplement comme violence aveugle. Voilà l’essentiel».

Pour une discussion vraie, il faut savoir où l’on parle : ce sera l’agora ; et aussi de quoi on parle, à quels événements on se réfère : ce sera l’Histoire. Un espace public et un temps public, voilà le socle. Mais il faut aussi que chacun parle et s’engage. «La vraie démocratie est la démocratie directe, la démocratie représentative n’est pas la démocratie.» Très vite, la présence aux séances de l’Ekklesia, l’assemblée des citoyens, devient l’objet d’un dédommagement financier pour les plus démunis. A Athènes, il n’y a «ni élus, ni experts, ni Etat». Les magistrats et les membres du conseil sont tirés au sort, l’administration et les finances publiques sont confiées aux esclaves, et «M. Delors aurait été un esclave athénien particulièrement compétent». Par comparaison, Castoriadis relève l’absurdité de nos élections modernes où, au nom d’une expertise dont la population est par définition exclue, il est demandé à cette même population de choisir le plus compétent de ces prétendants (et prétendus) experts.

«Il n’y a pas de bonne société, de société juste et libre une fois pour toutes.» Qu’il parle de la guerre du Péloponnèse, de la mort de Socrate ou de l’étonnante loi «anti-démago» qui, à Athènes, punissait celui qui abusait de l’émotion des citoyens pour faire voter une loi néfaste, Castoriadis ne cesse d’exprimer la même idée que, loin du mythe de l’âge d’or, la démocratie des Athéniens fut, comme toute démocratie, un processus permanent «d’autoinstitution», un mouvement qui ne cesse de se heurter aux conditions «prépolitiques» de la communauté (l’économie, le social, la famille…). Ce «prépolitique», il convient de le respecter, sauf à tomber dans l’utopie totalitaire de la construction d’un homme nouveau. Mais il faut aussi savoir le transformer lorsqu’il affecte l’exercice démocratique. Il y a donc, au cœur de la démocratie, une exigence «d’autolimitation». Mais alors, qui en fixera la frontière ? Comment résister à la tentation de la puissance (l’hubris) en se lançant, par exemple, dans la désastreuse expédition de Sicile (ou, aujourd’hui, d’Irak) ?

«Patriotisme». Le coup de maître de Castoriadis est d’éviter les fausses solutions et d’assumer l’impossibilité de répondre. «Le peuple peut tout faire et ne doit pas tout faire. Qu’est-ce qu’il ne doit pas faire ? Il n’y a pas de réponse donnée d’avance.» Le rôle central de la tragédie dans la vie athénienne ne s’explique pas autrement. Pour l’individu comme pour un peuple, l’hubris est le bras du destin et, tout comme le héros tragique découvre trop tard qu’il a commis l’irréparable, la démocratie doit respecter des «limites qui n’ont pas jamais été définies par qui que ce soit, et qui, en un sens, ne seront définies qu’après-coup». «Il n’existe pas de norme extrasociale, qu’elle soit théologique ou philosophique», et «l’énorme illusion» du rationalisme moderne («au mauvais sens du terme») serait de croire qu’un texte constitutionnel supérieur, par exemple la Déclaration des droits de l’homme, suffirait à régler la question. «Dans ma Grèce natale, il y avait une très belle Constitution [qui] se terminait par un splendide article 114, que nous apprenions par cœur au lycée : "La sauvegarde de la Constitution est confiée au patriotisme des Hellènes." Où était-il, ce patriotisme, en 1933, lors du premier coup d’Etat militaire, et en 1936, avec la dictature de Metaxas ?»

La tragédie de la démocratie est de reposer sur des contradictions impossibles à dissiper : la loi (qui limite la force) et la force (sans laquelle la loi est un bout de papier) ; l’égalité (qui inclut) et la communauté (qui exclut). Platon, note Castoriadis, détestait la démocratie autant que la tragédie ; de façon logique, il croyait aux experts. Les experts aiment les solutions, ils n’ont que faire du tragique. Ils l’ignorent, le nient. C’est pourquoi, peut-être, les idiots sont si prompts à leur faire confiance.

(1) La coïncidence vaut d’être notée : la même année, Michel Foucault consacra lui aussi une partie de son cours du Collège de France à la parrhèsia. Lire Libération du 8 février.

output gap

Définitions et usages de l'output gap

Le concept d'output gap dérive d'abord de la courbe d'Okun. Il s'agit de mesurer l'utilisation des ressources de l'économie. Aujourd'hui, le concpet est très utilisé en lien souvent avec les questions de prix. J'y reviendrai.

Son utilisation est répandue : d'une part l'indicateur mesure l'écart au potentiel. Mais de manière plus instrumentale, c'est une mesure essentielle à la mesure du deficit budgétaire structurel, et au positionnement de l'économie dans le cycle économique.

L'ocde ainsi que les organisations internationales en font un large usage. Souvent, l'approche est de nature statistique en utilisant des filtres statistiques divers. Le grand avantage de cette approche est qu'elle permet à la mesure de ne pas dépendre de la réprésentation de l'économie. Mais par contre elle moins utile pour l'analyse de moyen terme, qui reposera sur des évolutions structurelles comme la démographie, la productivité etc.

L’output gap peut être défini de façon très générale comme l’écart entre le PIB et son niveau « normal ». Deux voies bien distinctes peuvent être empruntées pour définir ce dernier :

  1. l’approche statistique, qui consiste à extraire a posteriori la tendance, déterministe ou stochastique, d’une série de PIB ;
  2. l’approche économique, qui tente de déterminer le niveau maximal d’activité compatible avec la stabilité du rythme d’inflation.

Cette approche est plus riche que la première, mais elle présente l’inconvénient de dépendre fortement de la représentation théorique retenue pour modéliser l’économie. Le concept d’output gap paraît utile dans une perspective de court-moyen terme ; il fournit en effet une information synthétique sur les capacités de production inemployées dans l’ensemble de l’économie et donc, pour peu que les évolutions cycliques soient suffisamment régulières, sur l’évolution la plus probable de l’activité. Cet indicateur permet alors d’obtenir la décomposition du déficit public en partie conjoncturelle ou structurelle.

Sur ces questions, on trouve un large choix de littérature :
-Un article de Jean-Philippe Cotis, Jorgen Elmeskov and Annabelle Mourougane (2003). "Dating the Euro area business cycle, " CEPR conference voir aussi ici .
-Un document de travail décompose aussi avec les différentes notions de Nairu.
-Il y a un numéro spécial de la revue du cepii
- pour un regard critique voir ici

Merleau-Ponty

Séries d'émissions particulièrement intéressantes sur Maurice Merleau-Ponty sur France Culture pour son centenaire, qui permet une introduction à la phénoménologie.

Les nouveaux chemins de la connaissance

les vendredis de la philosophie

L'intérêt de la fâcherie de Merleau-Ponty et de Sartre semble porter sur la liberté

Forte présence de la réflexion sur la perception comme quelque chose d'actif.

Sur ma table

Ce matin, c'est L'art des listes, Dominique Loreau qui m'inspire ce billet, cette liste.

Sur ma table, outre l'ordinateur se trouve une séries d'objets (un cahier noir, un carnet noir...), un stylo plume et un crayon papier.

Puis un certain nombre de livres. La liste a un certain sens.

Les années d'Annie Ernaux (2008)
  • Pas encore terminé, cela ressemble à Perec, je me souviens
  • Cela m'a fait pensé aux listes
  • Doit-on écrire comme cela

La violence et le sacré de René Girard (1972), ici
  • On trouve une mise en perspective interessante
  • Cité dans Jean-Pierre Dupuy pour la discussion sur la justice sociale
  • Beaucoup cité dans la violence de la monnaie et dans les théories de la régulation

La bibliotheque idéale, dont on trouve un extrait d'une ancienne édition ici , *
  • pour vérifier quels sont les ouvrages de René Girard

Hisoire de la pensée politique (1993), Jean-Jacques Chevallier
  • Pour Montesquieu, son libéralisme
  • Nouveauté, pas assez lu les libéraux

Roland Barthes : la préparation du Roman I et II, seuil

Qu'est-ce que la litterature, Sartre (1948), un résumé ici
  • sur la littérature engagée








Krugman on inequality

Krugman's conundrum

Apr 17th 2008
From The Economist print edition
The elusive link between trade and wage inequality


THIS paper is the manifestation of a guilty conscience.” With those words, Paul Krugman began the recent presentation of his new study of trade and wages at the Brookings Institution. Mr Krugman, a leading trade economist (as well as a New York Times columnist), had concluded in a 1995 Brookings paper* that trade with poor countries played only a small role in America's rising wage inequality, explaining perhaps one-tenth of the widening income gap between skilled and unskilled workers during the 1980s. Together with several studies in the mid-1990s that had similar findings, Mr Krugman's paper convinced economists that trade was a bit-part player in causing inequality. Other factors, particularly technological innovation that favoured those with skills, were much more important.

At some level that was a surprise. In theory, although trade brings gains to the economy as a whole, it can have substantial effects on the distribution of income. When a country with relatively more high-skilled workers (such as America) trades with poorer countries that have relatively more low-skilled workers, America's low skilled will lose out. But when the effect appeared modest, economists heaved a sigh of relief and moved on.

In recent years, however, the issue has returned. Opinion polls suggest that Americans have become increasingly convinced that globalisation harms ordinary workers. As a commentator, Mr Krugman has become more sceptical. “It's no longer safe to assert that trade's impact on the income distribution in wealthy countries is fairly minor,” he wrote on the VoxEU blog last year. “There's a good case that it is big and getting bigger.” He offered two reasons why. First, more of America's trade is with poor countries, such as China. Second, the growing fragmentation of production means more tasks have become tradable, increasing the universe of labour-intensive jobs in which Chinese workers compete with Americans. His new paper set out to substantiate these assertions.

That proved hard. Certainly, America's trade patterns have changed. Poor countries' share of commerce in manufactured goods has doubled. In contrast to the 1980s, the average wage of America's top-ten trading partners has fallen since 1990. All of which, you might think, would increase the impact of trade on wage inequality.

But by how much? If you simply update the approach used in Mr Krugman's 1995 paper to take into account today's trade patterns, you find that the effect on wages has increased. Josh Bivens, of the Economic Policy Institute, a Washington, DC, think-tank, did just that and found that trade widened wage inequality between skilled and unskilled workers by 6.9% in 2006 and 4.8% in 1995. But even with that increase, trade is still far from being the main cause of wage inequality. Lawrence Katz, a Harvard economist who discussed Mr Krugman's paper at Brookings, estimates that, using Mr Bivens's approach, trade with poor countries can account for about 15% of the growth in the wage gap between skilled and unskilled workers since 1979.

Even this is almost certainly an overstatement. Many imports from China have moved up-market from easy-to-produce products, such as footwear, to more sophisticated goods, such as computers and electronics. As a result, to use economists' jargon, the “factor content” of American imports—in effect, the amount of skilled labour they contain—has not shifted downwards. Mr Katz says factor-based models suggest trade with poor countries explains only 5% of rising income inequality.

Mr Krugman argues that the effect is bigger, but that import statistics are too coarse to capture it. Thanks to the fragmentation of production, Chinese workers are doing the low-skill parts of producing computers. Just because computers from China are classified as skill-intensive in America's imports does not prevent them from hurting less-skilled American workers. Mr Krugman may be right but, as he admits, it is hard to prove.
Blame it on the rich

Robert Lawrence, another Harvard economist, has looked at the same evidence and reached rather different conclusions. In a new book, “Blue Collar Blues”, he points out that the contours of American inequality sit ill with the idea that trade with poor countries is to blame. Once you measure income properly, the gap between white- and blue-collar workers has not risen that much since the late 1990s when China's global integration accelerated. The wages of the least skilled have improved relative to those in the middle. Some types of inequality have increased, notably the share of income going to the very richest. But there is little sign that wage inequality has behaved as traditional trade theory might suggest.

Mr Lawrence offers two reasons why. One possibility is that America no longer makes some of the low-skilled, labour-intensive goods that it imports. In those goods there are no domestic workers to lose out to foreign competition. Second, even when America does produce something that is imported from China, it may make it in a different way, with more machinery and only a few high-skilled workers. If imports from China and other poor countries compete with more-skilled American workers, they may displace workers but will not widen wage inequality.

Given the lack of fine-grained statistics, none of these studies settles the debate. It is possible that globalisation is becoming a bigger cause of American wage inequality. But contrary to the tone of the political debate, and the thrust of Mr Krugman's commentary, the evidence is inconclusive. “How can we quantify the actual effect of rising trade on wages?” Mr Krugman asked at the end of his paper. “The answer, given the current state of the data, is that we can't.


* Sources

“Growing World Trade: Causes and Consequences”, by Paul Krugman, Brookings Papers on Economic Activity 1:1995

“Blue Collar Blues: Is Trade to Blame for Rising US Income Inequality?”, by Robert Z. Lawrence, Peterson Institute for International Economics, January 2008

“Trade and Wages, Reconsidered”, by Paul Krugman, Brookings Papers on Economic Activity (forthcoming – a draft version is available)

“Globalisation, American Wages and Inequality”, by Josh Bivens, EPI Working Paper 279, 2007
Nouveaux chemins de la connaissance du 7 avril 2008 sur Max Weber

"La « soif d'acquérir », la « recherche du profit », de l'argent, de la plus grande quantité d'argent possible, n'ont en eux-mêmes rien à voir avec le capitalisme. Garçons de cafés, médecins, cochers, artistes, cocottes, fonctionnaires vénaux, soldats, voleurs, croisés, piliers de tripots, mendiants, tous peuvent être possédés de cette même soif - comme ont pu l'être ou l'ont été des gens de conditions variées à toutes les époques et en tous lieux, partout où existent ou ont existé d'une façon quelconque les conditions objectives de cet état de choses.
Dans les manuels d'histoire de la civilisation à l'usage des classes enfantines on devrait enseigner à renoncer à cette image naïve. L'avidité d'un gain sans limite n'implique en rien le capitalisme, bien moins encore son « esprit ». Le capitalisme s'identifierait plutôt avec la domination [Bändigung], à tout le moins avec la modération rationnelle de cette impulsion irrationnelle. Mais il est vrai que le capitalisme est identique à la recherche du profit, d'un profit toujours renouvelé, dans une entreprise continue, rationnelle et capitaliste - il est recherche de la rentabilité. Il y est obligé. Là où toute l'économie est soumise à l'ordre capitaliste, une entreprise capitaliste individuelle qui ne serait pas animée [orientiert] par la recherche de la rentabilité serait condamnée à disparaître.
"

Ethique Protestante et esprit du capitalisme. Max Weber 1904-05
http://classiques.uqac.ca/classiques/Weber/ethique_protestante/Ethique_protestante.pdf

Démocratie

France culture reste une source de réflexion dans un paysage confus. Ce soir dans les nouveaux chemins de la connaissance, il s'agissait de parler des "Pathologies de la democratie" de Cynthia Fleury.

Emission enrichissante en particulier quelques rappels sur Tocqueville avec cette citation tirée de la Démocratie en Amérique (1840) particulièrement lumineuse :

Lorsque je songe aux petites passions des hommes de nos jours, à la mollesse de leurs moeurs, à l'étendue de leurs lumières, à la pureté de leur religion, à la douceur de leur morale, à leurs habitudes laborieuses et rangées, à la retenue qu'ils conservent presque tous dans le vice comme dans la vertu, je ne crains pas qu'ils rencontrent dans leurs chefs des tyrans, mais plutôt des tuteurs. Je pense donc que l'espèce d'oppression dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l'a précédée dans le monde; nos contemporains ne sauraient en trouver l'image dans leurs souvenirs. Je cherche en vain moi-même une expression qui reproduise exactement l'idée que je m'en forme et la renferme; les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point. La chose est nouvelle, il faut donc tacher de la définir, puisque je ne peux la nommer.
Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde: je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres: ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d'eux, mais il ne les voit pas; il les touche et ne les sent point; il n'existe qu'en lui-même et pour lui seul, et s'il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu'il n'a plus de patrie.
Au-dessus de ceux-la s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril; mais il ne cherche, au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur; mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre?
C'est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l'emploi du libre arbitre; qu'il renferme l'action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu a peu chaque citoyen jusqu'à l'usage de lui-même. L'égalité a préparé les hommes à toutes ces choses: elle les a disposés à les souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait.
Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation a n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.
J'ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le tableau, pourrait se combiner mieux qu'on ne l'imagine avec quelques unes des formes extérieures de la liberté, et qu'il ne lui serait pas impossible de s'établir a l'ombre même de la souveraineté du peuple.
Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies: ils sentent le besoin d'être conduits et l'envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l'un ni l'autre de ces instincts contraires, ils s'efforcent de les satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant, mais élu par les citoyens. Ils combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d'être en tutelle, en songeant qu'ils ont eux mêmes choisi leurs tuteurs. Chaque individu souffre qu'on l'attache, parce qu'il voit que ce n'est pas un homme ni une classe, mais le peuple lui-même, qui tient le bout de la chaîne.
Dans ce système, les citoyens sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent.
II y a, de nos jours, beaucoup de gens qui s'accommodent très aisément de cette espèce de compromis entre le despotisme administratif et la souveraineté du peuple, et qui pensent avoir assez garanti la liberté des individus, quand c'est au pouvoir national qu'ils la livrent. Cela ne me suffit point. La nature du maître m'importe bien moins que l'obéissance.
Je ne nierai pas cependant qu'une constitution semblable ne soit infiniment préférable à celle qui, après avoir concentre tous les pouvoirs, les déposerait dans les mains d'un homme ou d'un corps irresponsable. De toutes les différentes formes que le despotisme démocratique pourrait prendre, celle-ci serait assurément la pire.
Lorsque le souverain est électif ou surveillé de près par une législature réellement élective et indépendante, l'oppression qu'il fait subir aux individus est quelquefois plus grande; mais elle est toujours moins dégradante parce que chaque citoyen, alors qu'on le gêne et qu'on le réduit à l'impuissance, peut encore se figurer qu'en obéissant il ne se soumet qu'à lui-même, et que c'est à l'une de ses volontés qu'il sacrifie toutes les autres.
Je comprends également que, quand le souverain représente la nation et dépend d'elle, les forces et les droits qu'on enlève à chaque citoyen ne servent pas seulement au chef de l'Etat, mais profitent à l'Etat lui même, et que les particuliers retirent quelque fruit du sacrifice qu'ils ont fait au public de leur indépendance.
Créer une représentation nationale dans un pays très centralisé, c'est donc diminuer le mal que l'extrême centralisation peut produire, mais ce n'est pas le détruire.
Je vois bien que, de cette manière, on conserve l'intervention individuelle dans les plus importantes affaires; mais on ne la supprime pas moins dans les petites et les particulières. L'on oublie que c'est surtout dans le détail qu'il est dangereux d'asservir les hommes. Je serais, pour ma part, porté à croire la liberté moins nécessaire dans les grandes choses que dans les moindres, si je pensais qu'on put jamais être assuré de l'une sans posséder l'autre.
La sujétion dans les petites affaires se manifeste tous les jours et se fait sentir indistinctement à tous les citoyens. Elle ne les désespère point; mais elle les contrarie sans cesse et elle les porte à renoncer à l'usage de leur volonté. Elle éteint peu à peu leur esprit et énerve leur âme, tandis que l'obéissance, qui n'est due que dans un petit nombre de circonstances très graves, mais très rares, ne montre la servitude que de loin en loin et ne la fait peser que sur certains hommes. En vain chargerez-vous ces mêmes citoyens, que vous avez rendus si dépendants du pouvoir central, de choisir de temps à autre les représentants de ce pouvoir; cet usage si important, mais si court et si rare, de leur libre arbitre, n'empêchera pas qu'ils ne perdent peu à peu la faculté de penser, de sentir et d'agir par eux-mêmes, et qu'ils ne tombent ainsi graduellement au-dessous du niveau de l'humanité.
J'ajoute qu'ils deviendront bientôt incapables d'exercer le grand et unique privilège qui leur reste. Les peuples démocratiques qui ont introduit la liberté dans la sphère politique, en même temps qu'ils accroissaient le despotisme dans la sphère administrative, ont été conduits à des singularités bien étranges. Faut-il mener les petites affaires où le simple bon sens peut suffire, ils estiment que les citoyens en sont incapables; s'agit-il du gouvernement de tout l'Etat, ils confient à ces citoyens d'immenses prérogatives; ils en font alternativement les jouets du souverain et ses maîtres, plus que des rois et moins que des hommes. Après avoir épuisé tous les différents systèmes d'élection, sans en trouver un qui leur convienne, ils s'étonnent et cherchent encore; comme si le mal qu'ils remarquent ne tenait pas a la constitution du pays bien plus qu'a celle du corps électoral.
Il est, en effet, difficile de concevoir comment des hommes qui ont entièrement renoncé à l'habitude de se diriger eux-mêmes pourraient réussir à bien choisir ceux qui doivent les conduire; et l'on ne fera point croire qu'un gouvernement libéral, énergique et sage, puisse jamais sortir des suffrages d'un peuple de serviteurs.
Une constitution qui serait républicaine par la tête, et ultra-monarchique dans toutes les autres parties, m'a toujours semblé un monstre éphémère. Les vices des gouvernants et l'imbécillité des gouvernés ne tarderaient pas à en amener la ruine; et le peuple, fatigué de ses représentants et de lui-même, créerait des institutions plus libres, ou retournerait bientôt s'étendre aux pieds d'un seul maître.



Une autre image interessante développée par Cynthia Fleury
Promethee / Orphée dans le développement de la démocratie

Inequality 3

see
http://gregmankiw.blogspot.com/2007/11/katz-vs-krugman.html


voici quelques références
1. oecd "Employment outlook" avec un chapitre sur la mondialisation
2. Des travaux de la Banque mondiale sur l'inégalité :
http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/EXTDEC/EXTRESEARCH/EXTPROGRAMS/EXTPOVRES/EXTDECINEQ/0,,contentMDK:20553509~menuPK:1359571~pagePK:64168445~piPK:64168309~theSitePK:1149316,00.html
3. quelques papiers du NBER (on the US only, unfortunately)
http://www.economist.com/blogs/freeexchange/2007/06/interrogating_inequality_1.cfm
4. Xavier Sala-i-Martin http://www.columbia.edu/~xs23/papers/pdfs/World_Income_Distribution_QJE.pdf

Still on ineqaulity

Still on inequality, it worth having a look on the piece written by David Brooks on inequality in the International Herald Tribune. He mentioned few studies about this.


http://freedemocracy.blogspot.com/2007/07/david-brooks-reality-based-economy.html

Inequality

I have just started to work on inequality.This blog is an attempt to keep tracks of my readings and of insights.

Yesterday, I begun by going through Acemogu (2002) . It is an impressive paper with many references. The objective of the paper is to survey and assess the various possible interpretations of the impact of technology on earnings inequality (mainly in the us)

There are some puzzles here. First, why some countries US, UK undertook a rise in inequality and others not (F, Jap), while thetechnology is almost everwhere. It could be linked to the diffusion of the technology. Second, why there is a pause in the inequality in the us in the 90.

I will try to sumerize the main arguments.
Définitions et usages de l'output gap

Le concept d'output gap dérive d'abord de la courbe d'Okun. Il s'agit de mesurer l'utilisation des ressources de l'économie. Aujourd'hui, le concpet est très utilisé en lien souvent avec les questions de prix. J'y reviendrai.

Son utilisation est répandue : d'une part l'indicateur mesure l'écart au potentiel. Mais de manière plus instrumentale, c'est une mesure essentielle à la mesure du deficit budgétaire structurel, et au positionnement de l'économie dans le cycle économique.

L'ocde ainsi que les organisations internationales en font un large usage. Souvent, l'approche est de nature statistique en utilisant des filtres statistiques divers. Le grand avantage de cette approche est qu'elle permet à la mesure de ne pas dépendre de la réprésentation de l'économie. Mais par contre elle moins utile pour l'analyse de moyen terme, qui reposera sur des évolutions structurelles comme la démographie, la productivité etc.

L’output gap peut être défini de façon très générale comme l’écart entre le PIB et son niveau « normal ». Deux voies bien distinctes peuvent être empruntées pour définir ce dernier :

  1. l’approche statistique, qui consiste à extraire a posteriori la tendance, déterministe ou stochastique, d’une série de PIB ;
  2. l’approche économique, qui tente de déterminer le niveau maximal d’activité compatible avec la stabilité du rythme d’inflation.

Cette approche est plus riche que la première, mais elle présente l’inconvénient de dépendre fortement de la représentation théorique retenue pour modéliser l’économie. Le concept d’output gap paraît utile dans une perspective de court-moyen terme ; il fournit en effet une information synthétique sur les capacités de production inemployées dans l’ensemble de l’économie et donc, pour peu que les évolutions cycliques soient suffisamment régulières, sur l’évolution la plus probable de l’activité. Cet indicateur permet alors d’obtenir la décomposition du déficit public en partie conjoncturelle ou structurelle.

Sur ces questions, on trouve un large choix de littérature :
-Un article de Jean-Philippe Cotis, Jorgen Elmeskov and Annabelle Mourougane (2003). "Dating the Euro area business cycle, " CEPR conference voir aussi ici .
-Un document de travail décompose aussi avec les différentes notions de Nairu.
-Il y a un numéro spécial de la revue du cepii
- pour un regard critique voir ici

Merleau-Ponty

Séries d'émissions particulièrement intéressantes sur Maurice Merleau-Ponty sur France Culture pour son centenaire, qui permet une introduction à la phénoménologie.

Les nouveaux chemins de la connaissance

les vendredis de la philosophie

L'intérêt de la facherie de Merleau-Ponty et de Sartre semble porter sur la liberté

Forte présence de la réflexion sur la perception comme quelque chose d'actif.